Vivre de haine et d'eau tiède

L’amour est un piège dans lequel tout le monde a eu l’occasion, et même la réccurrence, de tomber. Que dois-je dire, moi qui en ait été le barde triste toutes ces années ? Malmené, mis à la marge, il faut que je tourne cette page usée par le temps et l’expérience : ça ne marche pas. On pourrait croire le contraire sous le prétexte que l’humanité s’est reproduite massivement. Mais c’est un leurre, l’amour n’y a pas sa place, seulement les convenances. Le crier ne servirait probablement à rien et le faire en silence comme je le fais présentement n’aboutira peut-être à rien de mieux. Seulement, j’ai envie de profiter des forces qui me restent pour allonger ma boisson préférée : l’écriture. Ce que je dois écrire ? Un récépissé de ma haine ? Je n’en ai plus, chacun mène sa propre danse avec les armes que la vie lui fournit, parfois bien peu en tout cas presque toujours pas assez. Chacun a sa façon de voir sa vie et celle des autres et beaucoup se retrouvent autour d’un verre pour en discuter. L’humanité se déride de ses problèmes en mettant sens dessus dessous les dernières miettes d’un bonheur factice. Ce bonheur qui n’est pas le plaisir, icelui étant le seul dont on peut jouir à satiété. A bien y regarder, qu’est-ce qui nous rend heureux ? Un trou noir dans lequel se jeter avec un peu de l’espoir qu’on y trouvera l’épanouissement de son coeur et/ou de son âme ?

Le monde est dur, même quand il bande mal. Alors je profite d’instants qu’un phénomène illusionniste me fait apparaître magiques. Il n’y a pas de magie, il n’y a que des sentiments tordus provoqués par des parties obscures de nous-mêmes auxquelles la psychologie de comptoir s’imagine pouvoir accéder. Je suis tombé dans le piège… J’en ai profité, il faut le redire, mais mon monde intérieur reste inatteignable et je pense que je mesurerai toujours mes propos pour que vous ne l’atteigniez jamais. Quand on écrit, on se dévoile, et j’ai trop dévoilé de moi. Pour rien d’ailleurs sinon la stupéfaction que j’aie pu écrire autant de bêtises de génie. Suis-je un génie ? Il n’existe aucune façon de s’en assurer, je suis juste ce barde des sentiments qui commençait à perdre le feu sacré de l’écriture. J’ai failli perdre ma famille aussi, laquelle a tout essuyé de mes écarts, laquelle a vaillamment suivi mon parcours et m’a toujours permis de revenir dans son giron protecteur. Une distance s’est tout de même inscrite entre elle et moi et je fais mon propre chemin de Croix. Pour quoi ? Quelques nèfles, un ou deux lecteurs intrigués, la possibilité de passer le temps avant de mourir. Il n’y a fondamentalement aucun sérieux dans ma démarche, je déambule chastement en renonçant à faire le procès d’une société désabusée et perdue dans les méandres d’une large bande passante. Que peut-on espérer ? Un autre Star Wars ?

Il est assez évident que j’ai longtemps été la bête annonciatrice d’une quelconque fin des temps, dont on ne sait pas grand chose sinon ce que 10 000 sectes millénaristes veulent nous faire avaler. A quel dessein ? Entretenir mon délire anarcho-mystique et provoquer une révolution beyenne, résoudre le rubik’s cube sans demander la solution à Google, franchir le rubicon et conquérir un idéal dont personne n’a cure tant qu’Hanouna pérore tous les soirs pour semer la discorde, en finir avec les faux-semblants en étant moi-même un être de plastique, construire un monde nouveau pour lequel je ne trouverai aucun bâtisseur tant que la moutonnière ne saura faire autre chose que bêler : acheter, acheter, acheter. Moi-même j’achète d’ailleurs. Des choses futiles, un Perrier un terrasse, des bibliothèques entières de jeux vidéo pour me remuer le bulbe, des fringues parfois aussi (pour rappel, une tenue correcte est exigée pour se balader en ville). Ma révolution en carton ne pouvait pas prendre… Le changement, oui, changer, non. La voie était sans issue.

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