La der des ders ?

 

Parfaitement disposé à être en recherche de moi-même, ce moi-même fluctuant, il est d’usage, pour parfaire de derechef cette disposition, de réitérer l’énonciation du principe bouddhiste qui nous dit, en toute simplicité que l’impermanence seule est permanente. Il se trouve qu’après une réaction sanguine au choc de la perte d’un grand ami il m’a parut pertinent d’exprimer, en plus de l’effroi, quelque colère rigide et qu’après auto-critique j’en sois venu à nuancer les torts de chacun de nous, en l’occurence les siens et les miens. Pour me lancer des fleurs, comme il est permis par un autre usage, fort commun et seyant à la liberté de notre expression, je suis d’humeur à penser que j’ai été d’une patience remarquable avec cet ami parti faire ailleurs toutes les erreurs existentielles qu’il lui est permis, de jure, de faire en toute inconscience. En contrepartie : mea culpa, certes, mais à quel endroit des faits ? Trouver des réponses, que nous espérons intelligentes et intelligibles, à cette question nous poussera peut-être à ne pas reproduire la toxicité mutuelle qui a conduit à l’écueil de notre déliaison définitive. Mais pour les trouver, il faudra peut-être mettre nos mains “dans la merde”, ce qui implique, à dessein de ne pas simplement rejeter les affects de mon regretté ami, de voir la situation dans son ensemble. Abordons cette petite aventure psychologique par un récapitulatif de la façon dont nous avons été catégorisé par la psychiatrie : lui, angoissé et autiste, moi, schizophrène et mégalo. Un schéma de compréhension pourrait se dessiner avec cet énoncé mais nous avons decidé, moi-même, de partir de ma colère pour manifester notre incompréhension. Cette colère ne fût d’ailleurs pas tout à fait subite. Elle germait déjà depuis quelques temps et, pour vous signifier la patience que je me suis permise avec lui, j’aimerais dire que si de ma part il y a eu faute le temps bénévole que j’ai passé à essayer de l’aider à s’épanouir et à trouver un consensus social a été relativement conséquent. En cela, les deux dernières années de ma vie, très longue bouffée délirante comprise, ont été comprises par lui au travers du prisme non du désintérêt mais de l’hypocrisie la plus basse. Et en cela, pour vous le résumer de façon lapidaire, la révélation fût celle de la redondance avec ce que j’ai pu vivre sous le fouet psychique de ma famille sociopathe à un niveau dont ils n’ont jamais pu avouer la conscience. Vous me recevez ? Je ne suis pas sûr… Explicitons !

Les non-dits sont cruels, ils finissent toujours par s’extirper de l’intériorisation par laquelle nous les vivons. A force de camoufler nos sentiments, nous ne parvenons qu’à nous mécomprendre et si je peux en être la victime, il est intéressant de voir que je peux en être le coupable. C’est exactement ce qui nous est arrivé, la négativité et l’amertume ayant pris le dessus sur la douceur illusoire de cette amitié transformée en pugilat psychique, icelui ayant permis, en seulement quelques minutes, de passer d’un genre de camaraderie à l’impossibilité de nous entendre. Avons-nous été trahis ? Oui ! Sa perception des choses ayant été biaisé par un système qui lui permet d’être d’accord et de le dire, même quand c’est un mensonge, et de ne pas être d’accord, même quand c’est de la calomnie. En noble anarchiste, la colère m’a dépassé dans ma tentative de libérer des griffes de la manipulation mon ami perdu. Dick soit loué, ma résilience m’a permis d’en faire un dossier de plus sur la difficulté de vivre en société, à tout le moins dans cette société, laquelle trouve avec succès tous les moyens de nous faire plier devant la tâche de construire une pensée libre. Je vous l’avoue, mon indélicatesse des temps derniers a pu le perturber. Je croyais avoir affaire à un guerrier, je l’ai finalement reconnu comme soldat. Des malentendus, il y en a eu. Il est probable qu’en faire la liste nous mènera vers l’épuisement plutôt que vers la vérité, icelle se laissant balloter au gré des courants comme si l’énoncer avec rigueur n’était pas du domaine du possible. Le syndrome du sauveur a encore une fois eu raison de ma capacité à voir les choses comme elles sont : absurdes. Pour me reprendre, oui je veux bien faire mon auto-critique, c’est ce que je fais toujours passé un moment, et je le ferai bien volontiers si cela avait un sens. En l’occurrence, la cause essentielle de mes états psychotiques est à chercher dans cette colère devenu délirante et originée dans la façon dont, fort longtemps, l’on a traité mes états d’âme comme inconvenants et inaudibles dans la sorte de prison psychique où l’on me forcera à résider. L’armada familiale, le contingent social, le système psychiatrique et la foi en la radiosité de l’avenir s’il était débarrassé de moi ont permis, encore une fois, de me remettre au pas. C’est attristant mais mon cas reste anecdotique… l’on y préfèrera continuer à se divertir et à être diverti.

Il n’est pas d’intention chez moi de le blâmer plus qu’il ne doit l’être mais une colère en moi a pris un tournant automatique : je hais les catholiques. Ce sentiment auto-programmé pourrait devenir une façon facile de juger mais s’il ne fallait le faire jamais ce serait malgré tout un jugement : juger qu’il ne faut pas juger. Dois-je n’être que d’espérance et attendre à nouveau une Providence quelconque ? Construisons autre chose ! Schinter le système, le pirater, ouvre de nouvelles perspectives, ne serait-ce que d’être débarrassé de la propagande publicitaire. Il aimait les midinettes qui font de la pop, et ce fût le mot de trop lorsque je cherchai à lui dire crûment, même si ce fût sans méchanceté. Les bouffons catholiques, dont ma famille est l’exemple le plus incommodant pour moi, n’affrontent rien, encore moins leurs illusions, ils ne font qu’écouter doctement jusqu’à exploser. Ou appeler les renforts psychiatriques. Ne pas aimer les bourgeois leur semble peut-être être pathologique… Da oui ! Il faut aimer… inconditionnellement, à tout le moins tant que le porte-feuille permet les extravagances destructrice pour la planète. Il ne faut pas s’en faire, consommer et un droit devenu inaliénable et penser le contraire est une hérésie ingrate. C’est le syndrome de la carte bleue : ils m’ont beaucoup aidé (c’est ce qu’ils affirment) mais globalement ils ne m’ont aidé que financièrement (des coups de pouce bienvenus qui m’ont poussé moi aussi à l’hypocrisie la plus parfaite, la plus aimante diront-ils). Donner un sou à un mendiant ? Pourquoi pas. Lui parler ? Je peux pas, j’ai shopping. Partager des sentiments, ils le font en meute devant la télé, laquelle les fabrique pour eux. Incroyable ? La fabrique des émotions est un sujet d’études pratiques, il y a des master pour cela. Essayer de le faire reconnaître à un aliéné par les algorithmes ressemble presque à un viol. Or, la publicité ne fait pas que nous proposer des marchandises et des services, elle est la propagande violente, bien que subtil, d’un mode de vie impossible à maintenir pour l’ensemble du genre humain sans voir s’effondrer tous les écosystèmes. C’est ce qui nous arrive en ce moment. Alors tant pis, consommons tant que la fatalité n’est pas encore là pour nous en empêcher… Oui, le capitalisme est attrayant : les midinettes pop sont le symptome d’un réflexe de Pavlov. Faire la communication nationale d’Auchan pour sieur Gérard Mulliez l’est également pour ma tante. Il ne faudrait pas seulement que je l’accepte, il faudrait, avis médical à l’appui si possible, que je le respecte. Que je le respecte ? Adouber les milliardaires et oublier le ressenti des gens qui tiennent les caisses de leurs supermarchés ? La pénibilité a un coût, le mien ce sera la schizophrénie. Etre anti-capitaliste deviendra la preuve de mon dérèglement mental. Pas pour la psychiatrie bien sûr. Essentiellement pour ceux qui me tiennent lieu de famille maternelle. Ils ont bien travaillé ? Non, ils n’ont su que saisir les opportunités de leur servage mentale et émotionnel. On appelle cela la servitude volontaire d’ailleurs depuis La Boèce. Mon ami a été enrégimenté, lui en faire part a été le coeur palpitant de sa colère.

Evidemment que libérer de force est un contre-sens. L’urgence climatique me fait quand même dire qu’on peut capitaliser autre chose que des objets : des expériences, des sentiments, des concepts. Je me sens riche. Je suis un nanti. Mais je n’ai pas besoin de gagner à la loterie. Je n’en ai même pas envie… Probablement parce que cela me rendrait assez stupide pour accepter d’être ce que j’aurais dû (selon ma famille) devenir : un bourgeois néo-libéral converti à un nihilisme consommateur aliénant et destructeur. Et ils pensent sincèrement que cela m’aurait rendu plus heureux. Peut-être même que cela m’aurait guéri si je les écoutais. Bien sûr, je suis en peine que mon ami ait quitté le navire. Nonobstant, cela ne m’empêchera pas de vivre comme je l’entends et d’être participant de quelque chose à la fois neuf et viable.

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