Humeur passagère
Cela fait quelques jours que j’ai mis un terme à la relation sentimentale que je croyais avoir été celle dont j’avais besoin pour m’épanouir mais la négativité, presque transcendantale, l’a emporté sur mon optimisme que j’aurais voulu insubmersible. Le temps que nous avons passé ensemble n’a pas été que d’obscurité et de malheur mais la suite de cette petite entreprise était vouée au néant. J’arrive à ne pas m’en vouloir d’avoir fait ce que le corps médical appelle : se protéger. Le bonheur est chose instable et sans vouloir vous raconter sa vie, la femme qui occupait mon temps et mon énergie avait un passif psychologique que je n’ai connu que trop tard, me mettant dans la position tragique d’être le sauveur de son monde. Seulement, il faut parfois se reconnaître des limites et vivre un peu pour son compte. D’ailleurs, ma vie sociale est en train de redémarrer et pour parler un peu comme tout le monde ça donne beaucoup d’air de retrouver son univers personnel, culturellement et socialement. Icelui était en train de péricliter pour le profit de personne, ou peut-être un peu pour son fils, qui en était venu à me considérer comme son père, surtout que celui qui a fait pour lui office de géniteur semblait se désintéresser totalement de l’épanouissement de son petit. Icelui a eu 14 ans il y a peu et j’ai proposé d’etre son parrain pour l’aider dans sa vie autant que j’en suis capable. Depuis quelques jours, chaque fois que je le quitte je lève le poing et je lui dis : courage ! Ca a l’air de le rassurer un peu de voir que je ne serai jamais très loin pour répondre à quelques-uns de ses besoins que sa mère ne peut pas combler. Nous avons d’ailleurs notre petit rituel tous les jeudis soir à l’association de jeux de société et j’ai bien l’intention d’en poursuivre le plaisir. Lorsque je l’ai rencontré la première fois j’étais assez étonné de voir qu’il réagissait positivement aux questions que je lui posais malgré son autisme, et il est d’ailleurs tout-à-fait probable que sa mère en soit venu à me mettre sur un piédestal de lui avoir permis de s’extérioriser en toute confiance. Et ça m’a rendu fier de voir que j’avais ces capacités toujours refusées d’être un bon père. Le hic c’est que j’en étais venu à exister principalement à travers le bonheur de cet enfant pour lequel on a du mal à décider dans quelles dispositions morales il est, surtout lorsqu’on se heurte au mur qui nous le rend imperméable à la connaissance de ses émotions.
Il m’aura fallu du temps pour prendre la décision de ne plus faire de celle avec qui je partageais tout – et donc trop – et pour y arriver, il aura fallu que je me trouve au pied d’un mur infranchissable, il aura fallu que je change de chemin pour me rendre compte que cette vie instillait en moi un poison-retard qui m’aurait rendu derechef dans les bras de la psychiatrie, et sans doute pour longtemps si je n’arrêtais pas de croire qu’on pouvait exister comme héros dans le creux de troubles qui nous dépassent. Est-ce que j’ai tout essayé ? Pas sûr… Seulement, mon individualisme, bien qu’il soit solidaire, a repris le dessus : je suis Cédric, pas le sauveur des peuples. Peuples dont j’ai pu être le méchant dénigrateur avec une forteresse imprenable d’idées délétères et haineuses pour le genre humain. En fin de compte, chacun joue sa partie dans un monde dont on ne voit que trop peu les contours tant l’information à laquelle se fie la (grande) majorité se transforme en bouillie débilitante. Parfois, je me dis que les gens sont des cons, habituellement je me dis qu’ils souffrent, le plus souvent je trouve qu’il leur manque un zest de bon goût. Tant qu’Ed Sheeran sera au pouvoir, rien de nouveau, ni peut-être même de bon, ne fera surface. Je suis à la marge ? Grand bien me fasse. J’ai tenté les joies de la famille pour une fois et si j’en suis venu à penser qu’icelles n’étaient pas pour moi, c’est peut-être que j’étais dans l’erreur de croire qu’elle ne pourrait être meilleure que celle dans laquelle je m’étais fourré tout à fait bénévolement. Il n’y a pas de monde meilleur au-delà de celui-ci, juste un autre néant, mais peut-être, et ça reste un peut-être, que j’en retrouverai le plaisir à nouveau un jour. Qui sait ? Socrate ne sait rien et les stratégies des gens sont pleines de certitudes qu’un Mistral de malheur fait démolir dans la douleur. Aucun château de bonheur affectif ne surgit prêt-à-l’emploi, il faut le construire, pierre après pierre. En l’occurrence, j’ai dû en abandonner l’ouvrage, icelui se révélant impossible. Est-ce que je lui en veux ? Pas vraiment… mais un brin quand même. Est-ce que j’ai tout gâché ? Sans doute… mais malgré tout pas vraiment. J’ai pris la poudre d’escampette et je revis, tant pis pour la tragédie.
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